Quand l’Éducation Influence la Sécurité : Décryptage de l’impact de la construction des Écoles sur la Criminalité à Chicago

Par : @Soumaya RAZZOUK, @Chenjie QIAN, @Hicham CHEKIRI et @Yann Legendre

Avec un taux de criminalité de 33 pour mille habitants et plus de 8 millions de crimes enregistrés depuis 2001, Chicago figure parmi les villes les plus touchées par la criminalité en Amérique.

Quels facteurs influencent la criminalité dans cette métropole ?

Inspiré par des recherches analysant la relation entre l’éducation et la criminalité notre projet explore l’influence des écoles sur la sécurité urbaine.

Répartition géographique des écoles et des incidents criminels à Chicago – Source des données : Chicago Data Portal

Des études au préalables ont montré que les caractéristiques des écoles, telles que les activités parascolaires, la nature de l’école et les heures de cours, peuvent avoir un impact significatif sur la délinquance et la criminalité indépendamment du contexte social et démographique.

Notre objectif est de développer un modèle de Machine Learning prédictif qui évalue l’impact potentiel de la construction des nouvelles écoles sur le taux de criminalité sur une période de sept ans, offrant ainsi des perspectives innovantes afin d’explorer comment l’éducation peut influencer la sécurité urbaine à Chicago.

Données utilisées

Répartition géographique des écoles et le rayon d’impact des incidents criminels à Chicago – Source des données : Chicago Data Portal

Notre étude s’appuie sur des données publiques issues du Chicago Data Portal, qui est géré par la municipalité de la ville. Nous avons analysé sept jeux de données relatifs aux établissements scolaires de 2016 à aujourd’hui, ainsi qu’un jeu de données sur les crimes enregistrés de 2001.

L’objectif est d’évaluer l’impact des écoles sur le taux de criminalité dans un rayon de 1 km autour de celles-ci, sur une période allant jusqu’à sept ans.

Pour cela, nous avons créé des jeux de données croisés permettant d’analyser l’évolution annuelle de la criminalité par rapport à l’année de référence 2016 :

  • Dataset 1 : écoles 2016 ↔ crimes 2017
  • Dataset 2 : écoles 2016 ↔ crimes 2018
  • Dataset 3 : écoles 2016 ↔ crimes 2019
  • Dataset 4 : écoles 2016 ↔ crimes 2020
  • Dataset 5 : écoles 2016 ↔ crimes 2021
  • Dataset 6 : écoles 2016 ↔ crimes 2022
  • Dataset 7 : écoles 2016 ↔ crimes 2023

Regardons les données de plus près : Analyse des corrélations

Matrice de corrélation des variables du jeu de données fusionné

Pour résumer les corrélations des données analysées, nous pouvons dire que les corrélations entre les variables étudiées et le taux de criminalité sont relativement faibles.

Cela confirme l’hypothèse selon laquelle le taux de criminalité est influencé par une multitude de facteurs autres que les seules politiques internes des écoles.

Toutefois, il semble exister une association plus marquée entre la présence d’écoles dans un quartier, le nombre d’étudiants, et le taux de criminalité plutôt qu’avec les caractéristiques propres à chaque établissement scolaire.

Construction du modèle

Algorithmes utilisés

Nous avons utilisé plusieurs modèles, y compris le Random Forest, SVM et des variantes de Boosting, pour identifier ceux qui prévoient le mieux les taux de criminalité future.

Les modèles les plus performants, jugés sur la base de leur erreur moyenne absolue (MAE) et de l’erreur quadratique moyenne (RMSE), ont été combinés pour créer un modèle composite robuste.

Ce modèle est adapté pour prédire l’évolution de la criminalité sur une période allant jusqu’à sept ans.

Validation

Pour garantir la fiabilité de nos modèles prédictifs, nous avons mis en place une validation croisée sur les modèles, chacun comprenant environ 655 lignes.

Cette technique permet de s’assurer que nos algorithmes généralisent bien au-delà des données d’entraînement et ne mémorisent pas simplement les données (overfitting).

Les résultats de cette validation croisée ont confirmé l’efficacité de nos modèles, avec une diminution des erreurs.

L’analyse de l’importance des variables, issue de nos modèles et tenant compte des corrélations limitées, révèle que la :

  • le taux de criminalité est davantage lié à la proximité des établissements scolaires qu’à leurs politiques internes comme les codes vestimentaires ou les programmes parascolaires.
  • Cette divergence par rapport aux articles identifiés souligne l’importance de prendre en compte le contexte local de chaque zone, avec les différents indicateurs démographiques.

Résultats ? Notre modèle offre une double fonctionnalité

  1. Prédit l’évolution du taux de criminalité sur sept ans en se basant sur les données actuelles des écoles. Ainsi, il est capable de projeter l’incidence criminelle de 2024 à 2030 en utilisant les informations de 2023.

2. Simule l’effet de l’ajout d’une nouvelle école dans une zone spécifique (Latitude et longitude) et évalue l’impact sur la criminalité dans un rayon de 1 KM de l’école et les écoles à côté (en se concentrant sur les intersections des cercles).

Le modèle nous permet aussi de faire une comparaison de la situation des crimes avec et sans l’introduction d’une école avec des critères spécifique dans une zone donnée .

Nos simulations révèlent que l’extension des programmes parascolaires peut diminuer l’impact sur le taux de criminalité environnant.

Conclusion

Les résultats obtenus à travers notre modèle fournissent une base solide pour les décideurs locaux de Chicago afin de prendre des décisions en ce qui concerne la construction d’écoles dans des zones spécifiques.

Notre analyse a révélé aussi que l’impact des écoles sur la criminalité locale est complexe et ne repose pas uniquement sur les programmes éducatifs, soulignant l’importance d’intégrer d’autres facteurs lors de la planification de nouvelles infrastructures éducatives (postes de polices, état du quartier …) et de prendre en considération les indicateurs démographiques, la situation financière des étudiants recrutés par chaque école pour plus d’alignement avec les articles sur lesquels nous avons basés nos hypothèses..

Les insights fournis par notre étude offrent des pistes prometteuses pour des stratégies urbaines plus éclairées. Pour aller de l’avant, il serait judicieux d’envisager une approche collaborative impliquant éducateurs, autorités locales, et communautés pour bâtir un environnement plus sûr. Finalement, cette recherche ouvre la voie à des études supplémentaires qui pourraient explorer des interventions ciblées et personnalisées, contribuant ainsi à la transformation positive de Chicago.

Références

  • Crews, G. (2009). Education and crime. In J. M. Miller 21st Century criminology: A reference handbook (pp. 59-66). SAGE Publications, Inc., https://www.doi.org/10.4135/9781412971997.n8
  • Gottfredson et al., (2004). « Do After School Programs Reduce Delinquency? »
  • Willits, Broidy, et Denman, « Schools, Neighborhood Risk Factors, and Crime ».

Réduire la criminalité à New York avec la planification urbaine, c’est possible ?

Par Antoine PERRIN-DELORT, Daniel TERAN FERNANDEZ, Emmanuela TERTULIANO MOREIRA DE SOUSA, Julien BONTEMPS élèves ingénieurs du parcours Data Science à IMT Atlantique.

Le point de départ de notre enquête

Avec une population dépassant les 8 millions d’habitants, New York City se positionne parmi les villes les plus influentes en Amérique du Nord. Ville dynamique et en perpétuelle mutation, des réglementations ont été instaurées, restreignant le port d’armes à feu dans certaines zones. Néanmoins, ces mesures suscitent des débats au sein de la sphère politique de New York.

Cependant, malgré les restrictions, le nombre élevé de fusillades persiste au sein de la ville, avec plusieurs centaines d’incidents recensés au cours des dernières années. De plus, la constante évolution de la ville rend la planification urbaine de plus en plus complexe au fil du temps. Face à cette réalité, la problématique qui se pose est la suivante :

Peut-on améliorer la sécurité urbaine de New York City grâce à des initiatives d’urbanisation ?

Notre exploration de la littérature scientifique a rapidement corroboré l’existence de liens significatifs entre les crimes et les localisations, l’agencement et les types de bâtiments publics dans une zone donnée 1.

Guidés par cette idée, nous avons choisi d’apporter une solution à la problématique antérieure en exploitant nos compétences en science des données et en apprentissage automatique. L’objectif serait donc de pouvoir estimer l’impact de la construction de nouveaux bâtiments publics sur la criminalité environnante.

À la recherche d’indices

Pour répondre à notre problématique, nous sommes partis de deux jeux de données de la ville de New York. Le premier recense les fusillades dans la ville avec leurs localisations depuis 2006 et comporte un peu plus de 27 000 lignes 2. Le second nous donne accès aux plus de 30 000 bâtiments publics de la ville3 .

Nombre de tirs
Nombre de bâtiments publics

Les bâtiments sont regroupés selon 25 catégories différentes en fonction du domaine d’activité qui leur est lié : les plus nombreux sont ceux liés à l’enfance, aux transports et à la santé et les moins nombreux ceux liés aux télécommunications et à la justice. On peut observer ci-dessous quelle typologie de bâtiment est utilisée ainsi que le nombre de bâtiments de chaque type.

Répartition des types de bâtiments à New York

La tâche la plus dure à présent consiste à générer notre propre jeu de données pour établir les liens entre les bâtiments et les incidents de fusillade.

Comment lier nos indices entre eux ?

Pour cela, nous avons utilisé une approché basée sur les secteurs. Un secteur est une zone géographique dans laquelle nous recensons le nombre de chaque type de bâtiment ainsi qu’une mesure de la criminalité basée sur le nombre de fusillades.

Théoriquement, les secteurs peuvent adopter n’importe quelle forme, telle que celle des rectangles d’une grille par exemple, et possèdent une intersection qui peut être non-nulle : un chevauchement est donc possible.

Exemple de sectorisation (1304 secteurs de 1km x 1km)

Dans notre cas, nous avons utilisé des secteurs circulaires d’un rayon de 500 mètres, dont le centre est un bâtiment public de notre jeu de données Ainsi, pour chaque bâtiment nous obtenons un secteur : nous en avons donc au total plus de 30 000 ce qui sera très utile lors de l’entraînement des modèles.

La manière dont nous avons créé notre jeu de données est schématisée ci-dessous.

Méthode sectorisation circulaire
Dans le secteur centré autour de l’hôpital rouge, 5 tirs ont été tirés, dont 3 près d’une école, 1 près d l’hôpital, et 1 près du poste de police.

Sur cet exemple, nous avons additionné le nombre de tirs dans chaque secteur. En réalité, un traitement a été appliqué à ce nombre. En effet, plutôt que de parler en termes de nombre de tirs, ce qui est peu parlant – que signifierait “Placer un bâtiment ici a diminué le nombre de tirs de 2 sur 15 ans” ? – nous avons décidé de créer un indice évaluant la criminalité, basé sur le nombre de tirs.

Plus particulièrement, nous nous intéresserons à l’évolution de cet indice pour voir s’il est judicieux ou non d’implémenter un type de bâtiment public à un endroit donné : la différence entre avant et après la construction sera-t-elle positive ou négative ?

Pour cela, nous avons redimensionné la variable que nous cherchons à prédire (la mesure de criminalité) pour que ses valeurs soient comprises entre 0 et 1 de la manière suivante :

Appliquons cela à l’exemple vu précédemment. Il nous faut d’abord trouver les secteurs comportant le moins et le plus de tirs, correspondant donc respectivement à xmin et xmax de l’équation. Connaissant cela, nous pouvons maintenant appliquer la formule à toutes les valeurs.

Attribution de notre indice de criminalité à chaque secteur

Il nous semble important de mentionner pour les plus curieux d’entre vous que nous avons également choisi d’utiliser un index personnalisé de criminalité car il offre une adaptabilité et une possibilité d’affinement.

En effet, il existe par exemple des jeux de données recensant tous les crimes commis à New York 4.

On pourrait donc pousser davantage notre réflexion et notre démarche en utilisant toutes ces données en pondérant notre index par le degré de gravité du crime. A titre d’exemple, un vol pourrait compter pour un facteur de 1 et un meurtre pour un facteur de 100.

Cependant, comment pouvons-nous être sûr de l’efficacité de notre outil ?

Élémentaire mon cher Watson

Pour valider la crédibilité de notre approche, nous allons avoir recours à un critère de réussite : si nous vérifions le critère alors notre approche sera considérée comme valide.

Comme critère de réussite, nous allons procéder à une comparaison avec une méthode dite élémentaire (ou naïve) de détermination de l’indice de criminalité. Cette dernière se contente de prédire pour chaque secteur la moyenne de l’indice de criminalité. Mathématiquement, cela donne :

Si l’on reprend l’exemple précédent, l’approche élémentaire devrait prédire :


Prédiction du modèle élémentaire sur notre exemple

Comme vous pouvez le constater, cette approche, plutôt médiocre, prédit des valeurs de l’indice de criminalité assez éloignées de la réalité.

Ainsi, si nous sommes plus performants que cette méthode simpliste, nous pouvons considérer que notre approche est fonctionnelle et peut donner lieu à une application concrète.

Pour y parvenir, nous avons sélectionné plusieurs métriques caractérisant l’erreur à minimiser, à savoir la MSE (Mean Square Error), la MAE (Mean Absolute Error) et la RMSE (Root Mean Square Error) ainsi qu’une métrique expliquant la qualité de notre modèle vis-à-vis de la variance, le R2 (R-Squared).

Par conséquent, en comparant ces métriques, nous serons en mesure de démontrer la supériorité de notre outil par rapport à la méthode naïve.

Le raisonnement

Nous avons implémenté différents modèles d’apprentissage automatique de régression pour pouvoir prédire l’indice de criminalité lors de la construction d’un nouveau bâtiment afin d’estimer l’impact sur la criminalité des nouvelles constructions.

Le but est donc, avec notre modèle, d’aider à la prise de décision les responsables de la planification urbaine de la ville de New York.

Nous nous sommes notamment penchés sur des Réseaux de Neurones et des Random Forest. Finalement notre choix s’est porté sur le Random Forest pour plusieurs raisons :

  • Premièrement, les résultats obtenus se sont révélés très prometteurs.
  • Ensuite, le temps d’exécution de notre algorithme restait raisonnable.
  • Enfin, cet algorithme nous permet d’avoir une vision plus précise de ce qui se passe avec notamment la possibilité de voir quelles données influencent le plus les prédictions, contrairement aux Neural Networks.

Le tableau ci-dessous nous montre bien les résultats obtenus à travers nos différents modèles. Nous remarquons aussi par ailleurs que nous validons largement notre critère de réussite.

MétriquesRandom ForestNeural NetworkModèle Naïf
MSE0.000920.003400.02581
MAE0.015190.040140.12742
R20.964460.86806– 0.00005
RMSE0.030290.058350.16067
Comparaison des modèles: toutes les métriques d’évaluation classent le Random Forest au premier rang
Graphique montrant l’importance de chaque feature pour notre modèle Random Forest

Comment résoudre l’enquête ?

Imaginons que vous êtes un planificateur urbain et que votre mission serait de construire une maison de jeu pour enfants.

Vous hésitez fortement entre 3 localisations que vous avez identifiées comme favorables selon des critères divers et variés.

Vous souhaitez prendre en compte l’impact de cette nouvelle construction sur la criminalité environnante ?

C’est ici que notre solution intervient.

Application du modèle sur 3 localisations réelles

Nos données nous fournissent l’indice de criminalité avant la construction, puis notre modèle prédit l’indice de criminalité après la construction de la maison de jeu pour enfants. Enfin, nous observons dans la dernière colonne ci-dessus l’évolution de cet indice de criminalité. Dans le cas présent la localisation C semble être le meilleur choix d’implantation si nous regardons le problème à travers le prisme de la criminalité.

Le verdict

Comme résultat, cet outil d’apprentissage automatique se positionne comme un allié de choix dans la prise de décision pour la planification urbaine à New York City, avec des performances élevées et aussi des opportunités d’amélioration.

Les résultats de l’évaluation de notre modèle, le RandomForest, ont surpassé nos attentes initiales. Sa précision remarquable dans la mesure de la criminalité, évaluée à travers les critères des erreurs à minimiser, ainsi que les indications détaillées sur l’importance de chaque caractéristique, confèrent à notre modèle une valeur exceptionnelle.

Cependant, il est essentiel de maintenir une approche prudente dans ce contexte. La planification urbaine est influencée par de multiples facteurs et ne peut se limiter à la seule considération de la criminalité. Par conséquent, bien que notre outil soit efficace, il doit être considéré comme une assistance à la prise de décision plutôt que comme une solution autonome pour les responsables de l’urbanisation.

Prise de recul

Malgré le succès évident de notre solution, nous sommes conscients de l’existence de tendances potentiellement risquées qui pourraient émerger en cas d’utilisation inappropriée de notre solution.

La première de ces tendances est la standardisation du type de construction à travers tous les secteurs, en se concentrant sur le type de construction ayant le plus grand impact sur l’indice de criminalité. Un certain point de saturation serait alors atteint, rendant notre modèle obsolète.

La seconde tendance impliquerait un déplacement à plus ou moins long terme de la criminalité. En effet, déplacer un problème vers une autre localisation ne le résout pas réellement. Cette réalité est malheureusement largement reconnue par ceux qui s’efforcent de réduire les taux de criminalité.

Et après ?

Plusieurs pistes d’amélioration ont été identifiées.

  • Diminution globale de la criminalité : Nous pourrions aller jusqu’à suggérer des emplacements d’implémentations de bâtiments publics plutôt que de simplement comparer des emplacements suggérés par les planificateurs urbains pour tenter de diminuer globalement la criminalité à New York.
  • Généralisation du modèle : l’intégration de jeux de données provenant d’autres villes nord-américaines pourrait enrichir notre modèle, entraînant ainsi une amélioration de ses performances et rendant la généralisation à la plupart des grandes villes américaines possible.
  • Amélioration des performances : la littérature suggère des liens significatifs entre la criminalité et le mouvement de population dans un secteur donné, rendant l’accès à des données de flux particulièrement valorisant.
  • Amélioration des performances et déplacement de la criminalité : l’inclusion d’informations sur l’année de construction des bâtiments permettrait d’apporter une dimension temporelle à notre modèle, gagnant ainsi en efficacité. Ceci permettrait également de quantifier le déplacement de la criminalité en voyant l’impact historique de l’implémentation des bâtiments sur la criminalité dans la ville.

Références

  1. Urban Planning and Environmental Criminology: Towards a New Perspective for Safer Cities, Cozens, P. M. (2011) ↩︎
  2. NYC OpenData. NYPD Shooting Incident Data (Historic). Disponible sur : https://catalog.data.gov/dataset/nypd-shooting-incident-data-historic ↩︎
  3. NYC Planning. NYC Facilities Database (FacDB). Disponible sur : https://www.nyc.gov/site/planning/data-maps/open-data/dwn-selfac.page ↩︎
  4. NYC OpenData. NYPD Complaint Data (Historic). Disponible sur : https://data.cityofnewyork.us/Public-Safety/NYPD-Complaint-Data-Historic/qgea-i56i ↩︎

Sur quels facteurs se concentrer pour réduire de manière efficace la criminalité ?

Par Victoire BONAUD, Auriane BORDENAVE, Mathura CHANDRAKUMAR et Guillaume LE GOFF, étudiants en Data Science à IMT Atlantique.

Depuis quelques années, le taux de criminalité global à New York a décliné, contrairement à d’autres grandes villes des USA. Pour autant, le taux de “hate crimes” (meurtres, viols, assauts graves) a beaucoup augmenté ces dernières années : 3,3 millions de victimes en 2018 contre 2,7 en 2015.

A la suite de ces constatations, le maire de New York, Monsieur Bill de Blasio, a lancé the office for the prevention of Hate Crimes, ou aussi appelé le MOCJ (Mayor’s office of Criminal Justice), en été 2019 afin d’empêcher ce type de crimes.

Il y a une réelle problématique concernant les stratégies à mettre en place dans le cadre de prévention contre les crimes violents.

Quel outil pour le Maire de New York ?

Pour aider le maire de New York, nous voulons créer un outil d’aide à la décision. Ce dernier permettrait de prédire l’impact de la modification de certains éléments, ou couples d’éléments, sur la criminalité pour chaque quartier de New York.

Quelles données utiliser ?

Nous avons cherché des données Open Data qui pourraient être liées à la criminalité, suite à la lecture de documents scientifiques traitant du sujet. Nous nous sommes ainsi concentrés, en premier lieu, sur des données socio-démographiques. Nous avons trouvé 7 variables d’intérêt comprenant le nombre d’habitants, le taux de personnes nées à l’étranger, le taux de pauvreté, le taux de chômage, le taux de diversité ethnique et le taux de jeunes déconnectés, par quartier de New York et par année entre 2000 et 2018.

Cependant, il est difficile pour le maire de mener des actions qui auront un impact direct sur ces variables. Comment avoir un impact direct sur la pauvreté ou le taux de chômage ?

Nous avons donc cherché d’autres sources de données qui permettaient d’avoir des renseignements notamment sur le nombre de commissariats, sur les infrastructures présentes dans différents quartiers et sur les évènements sociaux. Ce sont sur ces critères que le maire de New-York pourra influer.

Que faire de toutes ces données ?

Dans un premier temps, il s’agissait d’effectuer une préparation des données, qui a pris beaucoup de temps. En effet, le défi était de fusionner 11 bases de donnés puis de les regrouper en un seul dataset qui nous permette de répondre à notre problématique.

Le dataset final regroupe les données par quartiers et par années entre 2006 et 2018.

Pour fusionner les différents datasets, nous disposions des coordonnées GPS des événements et infrastructures. Il fallait donc faire correspondre ces coordonnées GPS aux Community District auxquels elles appartenaient. Cela a été effectué à l’aide d’une librairie Python de traitement des données géospatiales : geopandas. La ville de New-York met également à disposition des fichiers contenant les formes de chaque Community District, ce qui a permis d’effectuer l’opération.

Suite à ce travail nous nous sommes retrouvés avec le dataset suivant:

Mais la préparation des données ne s’est pas arrêtée là. En effet, notre problématique étant d’observer l’impact de certaines actions sur la variation de crime dans un quartier, nous avons décidé de faire d’autres modifications au dataset afin que notre étude soit plus adaptée à nos besoins.

Dans un second temps, nous avons donc décidé d’ajouter des colonnes qui expriment les variations de données d’une année sur l’autre plutôt que seulement les chiffres de l’année en cours. Par exemple, à partir de la colonne “Commissariats” on ajoute la colonne “Différence de commissariats” qui correspond au nombre de commissariats sur l’année étudiée moins le nombre de commissariats de l’année précédente.

Une fois toute cette base de données regroupée et afin d’avoir une première idée des influences de certaines variables, nous avons fait une première étude de corrélation. Nous avons retrouvé des corrélations plutôt intuitives et cohérentes. En temps normal ces études de corrélations permettent de supprimer les variables redondantes. Mais dans le cadre de notre modèle nous n’avons pas jugé utile d’en retirer, permettant à notre client d’avoir plus de choix de modification de données lors de la simulation de l’évolution du nombre de crimes dans un quartier.

La base de donnée finale est donc de 767 lignes par 55 colonnes.

Un problème de classification …

Plutôt que de prédire le nombre de crimes d’un quartier d’une année sur l’autre nous avons décidé de prédire la variation de crimes et de la regrouper en 3 classes : Augmentation, Diminution ou Stagnation du nombre de crimes par rapport à l’année précédente. La stagnation correspond à une variation du nombre de crime inférieure, en valeur absolue à 200.

Deux algorithmes nous intéressent tout particulièrement : l’arbre de décision et la régression logistique. En effet, ces deux algorithmes ont la particularité d’être facilement lisibles, ils ne sont pas des boîtes noires. Il est donc possible d’extraire les règles permettant de mener à la décision de l’appartenance à une catégorie ou à une autre.

Evaluation de nos modèles

Algorithme

Temps d’exécution

Précision

Aire ROC

Arbre de décision

< 1 seconde

55%

0.61

Random Forest (50 arbres)

~ 1 seconde

75.9%

0.77

Régression

Logistique

< 1 seconde

78.1%

0.51

Ainsi, l’algorithme de Random Forest est le plus performant dans notre étude (Aire ROC bien supérieur à 0.5, qui correspond à une classification faite au hasard).

De plus, il est toujours intéressant d’étudier l’arbre de décision sachant que cela nous permet d’identifier des associations de variables influençant la variation de crime dans le même sens pour aider à jouer sur les facteurs pour trouver les bonnes combinaisons de facteurs réduisant le crime.

Des scénarios prometteurs

Ainsi, nos modèles nous ont permis d’identifier des facteurs influençant la criminalité positivement et négativement. Nous avons donc simulé différents types de scénarios pour visualiser l’impact sur la criminalité.

Nous avons réalisé un premier scénario augmentant le nombre d’évènements sociaux de 30% : la criminalité diminuerait dans 3 quartiers.

Avec un deuxième scénario, nous avons cette fois augmenté le nombre d’événements sociaux de 10% et les infrastructures sociales de 2% : nous remarquons alors que la criminalité baisse dans 10 quartiers. Nous conseillons donc au maire de se concentrer en premier temps sur ces quartiers et d’y mettre en place d’avantage d’évènements sociaux.

Des améliorations sont tout à fait envisageables. Nous pourrions déterminer des associations de variables plus précis à l’avenir pour permettre la réalisation de scénarios encore plus efficaces pour la diminution du crime à New York. De plus, il serait intéressant de réaliser les modèles sur des groupes (clusters) de quartiers afin d’avoir des résultats encore plus précis selon le type de quartier. En effet, les variables n’influencent pas les quartiers de la même manière.